La Tribune de L’art

Pierre Puvis de Chavannes


    Auteur : Aimée Brown Price
    Le Revermont, au sud de la Bourgogne.

    En 1976, à Paris, les Galeries nationales du Grand Palais, avant la Galerie nationale du Canada à Ottawa, consacraient une rétrospective à l’œuvre du peintre lyonnais Pierre Puvis de Chavannes. Le catalogue débordait largement du domaine de la peinture de chevalet pour rendre hommage au décorateur, qui œuvra dans tant de lieux publics et privés à travers la France, et reçut même des commandes des Etats-Unis où lui fut confié, par exemple, le décor toujours en place du grand escalier de la Bibliothèque publique de Boston. Au-delà de ce qui était la brillante redécouverte d’un artiste, menée de main de maître par Louise d’Argencourt et Jacques Foucart, se posait le problème d’un catalogue raisonné qui pourrait faire le point sur les multiples études et variations, reprises et adaptations dont le peintre était coutumier. L’exposition, plus condensée, consacrée au peintre, en 1994, au Musée van Gogh d’Amsterdam, renouvelait le problème de l’absence d’un catalogue de référence.

    Ces dix dernières années ont vu s’accélérer l’actualité de l’œuvre de Puvis de Chavannes. A travers quelques ventes importantes comme celle du 10 décembre 2003 où près de soixante-dix œuvres de l’artiste furent présentées en une seule vacation – et où le Musée d’Orsay acquit une petite peinture sur panneau, inhabituelle, de 1871 : Vue du château de Versailles et de l’Orangerie, souvenir de l’exil du peintre dans sa famille durant la Commune (voir  brève du 11/12/03) "– ou encore, du fait de l’entrée de plusieurs peintures importantes dans des collections publiques – citons, par exemple,Mademoiselle de Sombreuil buvant un verre de sang pour sauver son père  (cat. n° 29) de 1853, acheté par le Musée des Beaux-Arts d’Angers en 2001, ou bien une acquisition du Musée d’Orsay en 2009, œuvre précoce dont le titre Négrillon à l’épée  (cat. n° 8) sera probablement à reconsidérer au vu de nouvelles recherches, qui rejoignait le musée un an après l’ Orphée [1]ayant appartenu à Judith Gautier (cat. n° 295) qui apparaît encore dans le Catalogue raisonné sous le nom de son avant-dernier propriétaire. Ces ventes et ces acquisitions ne pouvaient que faire croître la nécessité d’une mise au point. Aimée Brown Price, dans l’ouvrage que vient de publier l’éditeur Yale University Press, se livre à ce travail long et compliqué, restreignant cependant son propos à l’œuvre peint.

    L’ouvrage se présente en deux volumes. Le premier, consacré à la biographie et à l’étude stylistique de l’œuvre, est complété de diverses annexes fort intéressantes puisqu’en rapport avec l’activité du notaire qui fut chargé, le 14 novembre 1898, de dresser l’inventaire après décès de l’artiste, aussi bien dans son atelier du 11 rue Pigalle que dans sa propriété de Neuilly. Découpée chronologiquement cette biographie largement annotée est superbement illustrée. Accompagnée de nombreuses figures de comparaison fort intéressantes, elle permet de replacer le peintre dans son temps et de percevoir son originalité tout en jugeant des formes de sa réception critique, même si certains pourront émettre des réserves sur les tendances un peu trop louangeuses des extraits choisis et sur l’analyse un peu partiale de certains faits. La présentation de plusieurs des caricatures que Puvis se plut à dessiner rapidement tout au long de sa vie vient ajouter une note nouvelle et non conventionnelle à la biographie d’un artiste que l’on a trop souvent tendance à cantonner parmi les rigoristes sans humour. 

    La bibliographie qui clôt ce premier volume distingue nettement les « ressources primaires », c’est-à-dire : les documents et les archives, des « ressources secondaires », c’est-à-dire de ce qui relève proprement de la bibliographie. Parmi les sources primaires, il est remarquable que soient distingués les documents en mains privées de ceux qui appartiennent à des collections publiques. Ce travail de méthode ne semble pas avoir concerné la partie consacrée aux sources dites secondaires ; s’y mélangent allégrement les synthèses les plus générales où le nom de Puvis est seulement cité sans donner lieu à aucun commentaire critique, et qui réapparaissent à peine dans le second volume, et les articles les plus pointus qui, à l’inverse, apparaissent dans les notices, et pas dans la bibliographie, si ce n’est pour quelques auteurs anciens ou modernes … Théophile Gautier, Léonce Bénédite, André Michel ou Aimée Brown Price. Pourquoi, par exemple, faire l’économie du recueil de Henri Dorra, Symbolist Art Theories. A Critical Anthology  [2] qui ne se contente pas de citer la critique publiée par Gautier en 1861, mais l’insère dans une fine étude du journaliste, du peintre, du sujet et de sa destination au moment où Puvis présente sur les cimaises du Salon officiel ses panneaux décoratifs pour Amiens, Concordia et Bellum ? A la suite de ces annexes, on peut s’étonner de l’absence de différents index dont la constitution ne devait pas poser de problèmes majeurs ; pourquoi manque-t-il un index des collectionneurs et un index des localisations qui, au-delà de leur sèche énumération, sont si importants pour la connaissance de l’histoire du goût et des collections. Il est enfin surprenant qu’aucune référence ne soit faite dans cette longue liste au méritoire Bulletin que publie depuis quelques années le Comité Puvis de Chavannes, dont certains articles et certaines notules auraient eu tout à fait leur place ici pour compléter le catalogue (permettant d’identifier, par exemplele Portrait de femme (cat. n° 24) à celui de Madame de Vaugelas, la sœur du peintre, ou de développer les connaissances concernant l’esquisse duVirgile catalogué sous le n° 409). Certaines « brèves » qui concluent ce Bulletin paraissent avoir malheureusement échappées au compilateur des chapeaux techniques des œuvres répertoriées dans le deuxième volume dont il nous faut parler maintenant.

    Atelier Place Pigalle
    Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898)
    Trois personnages, 1848
    Oil on canvas - 147,3 x 104,1 cm
    Norfolk, Chrysler Museum

    Modestement titrée « Catalogue raisonné de l’œuvre peint », cette deuxième partie – qui prend cependant aussi en compte certaines grandes esquisses sur toile réalisées à la craie, au crayon et au lavis d’encre brune, mais en laisse d’autres à l’écart puisque, par exemple, ne figure pas la référence n° 86f, qui appartient à une collection parisienne – va bien au-delà d’une simple énumération commentée des œuvres créées par Puvis de Chavannes puisque tout un appareil de textes et d’images vient utilement compléter le travail, ce qui fait d’autant plus regretter certaines options. Dès la première notice consacrée aux Trois personnages du Chrysler Museum de Norfolk (ill.), on s’aperçoit que la brièveté de la partie « Sources et Littérature » est imputable aux nombreuses notes qui renvoient à la « Bibliographie » du premier volume … mais aussi à la « Liste des expositions » qui se trouve à la fin du tome que vous tenez à ce moment en mains. Autre chassé-croisé malheureux entre les deux volumes : les images pleine page et couleurs du premier tome n’apparaissent plus qu’en vignette noir et blanc dans le second Aucun numéro de page n’est jamais indiqué à la suite du nom ou du lieu suivi d’une date, ce qui ne facilitera pas le travail des futurs chercheurs qui, à moins de retourner systématiquement à la source, avanceront à l’aveuglette. 

    La présence d’œuvres en rapport présente toujours un grand intérêt dans ce type de recueils ; mais l’opportunité de leur présence serait augmentée si leur reproduction semblait toujours réellement utile et si figurait quelque référence bibliographique vers laquelle se retourner. En effet, toujours dans le cas de la plus ancienne œuvre de Puvis, quel est le rôle de ce dessin qui ne représente aucun des trois personnages réunis et qu’en ont dit les historiens d’art ? En l’absence de date et parce qu’il pourrait tout autant relever de la création que de la copie, quelle est la raison de sa présence ? Et, toujours pour aider le chercheur, la mention de ce dessin n’aurait-elle pu être accompagnée d’une référence qui aurait permis d’en savoir un peu plus ; pourquoi ne pas avoir ajouté « Boucher (1874) » – qui apparaît dans la Bibliographie générale – et qui, même dans sa forme minimale, aiguillerait ceux qui l’ignore vers le mémoire de Marie-Christine Boucher, soutenu en 1974, sur l’ensemble des œuvres de Puvis de Chavannes conservées à Paris, au Musée du Petit Palais.

    La feuille reproduite, sous le n° 362a, sans localisation actuelle et sans informations techniques correspond à une grande feuille de 34 x 24,5 cm., montrée à plusieurs reprises ces dernières années, Elle appartient aujourd’hui au Musée départemental de l’Oise à Beauvais, auquel elle a été donnée en 1997 par Marie-Thérèse Laurenge qui l’avait achetée dix ans auparavant à la galerie Coligny  [3]

    Quant aux notices qui accompagnent chaque numéro, et qui doivent beaucoup à celles de 1976-1977, elles savent aussi, parfois, proposer de stimulantes comparaisons ou lancer de nouvelles pistes que devront cependant confirmer un jour les rapprochements visuels de certaines œuvres. Ainsi, l’influence plusieurs fois mentionnée d’Henry Scheffer dans les débuts de Puvis de Chavannes est intéressante mais ne semble pas totalement convaincante lorsque ne nous sont proposées, à titre comparatif, que des vignettes en noir et blanc (cat. n° 13 et n° 13a) où la composition et la pose identiques de personnages d’un âge comparable ne semblent pas permettre de rapprocher deux techniques qui apparaissent fort différentes comme il se doit lorsqu’on compare un portrait intime vivement brossé et un portrait officiel destiné à être exposé.

    Les expositions du Palazzo Grassi de Venise, en 2002, et du Musée de Picardie à Amiens, en 2005, avec des moyens totalement différents, dans leur volonté de réviser l’ensemble de la carrière de l’artiste à la lumière de ses contemporains et de sa postérité, n’avaient qu’effleuré certains rapprochements ou avaient trop insisté sur d’autres ; il est donc souhaitable aujourd’hui, qu’armé de ces expériences et de ce nouvel outil qu’est le Catalogue raisonné publié par Aimée Brown Price, une nouvelle manifestation monographique soit consacrée à Pierre Puvis de Chavannes – dans laquelle il sera impossible d’oublier sa réelle passion pour le pastel et ses effets – pour effacer les dernières zones d’ombre qui dissimulent l’homme et l’œuvre. 

    En attendant cet événement, et malgré les nombreuses réticences que soulèvent les choix d’Aimée Brown Price et la forme que les éditions Yale University Press ont donné à leur publication, les chercheurs vont dorénavant disposer d’un outil de travail perfectible, mais qui offrira déjà, néanmoins, un vaste répertoire d’images et de références. Il ne faudra pas hésiter à l’annoter au fil des lectures et des recherches pour en faire l’instrument de travail idéal qu’attendaient les chercheurs et dont rêvaient les admirateurs de l’artiste, pour édifier sur ce soubassement le monument que mérite le « héros » de générations d’artistes.

    Aimée Brown Price, Pierre Puvis de Chavannes. I. – The Artist and his Art. ; II. – A Catalogue Raisonné of the Painted Work, New Haven, Londres, Yale University Press, 2010, 450 p., $250. ISBN : 9780300115710.

    Dominique Lobstein, jeudi 15 juillet 2010

    Notes
    [1] Ces deux tableaux seront inclus dans une brève à venir parlant des récentes acquisitions du Musée d’Orsay.
    [2] Londres, University of California Press, 1994, p. 35 et suiv.
    [3] Josette Galiègue, sous la dir. de, De l’école de la nature au rêve symboliste, Paris, Somogy, 2004, p. 203




    Revue de l’art

    n° 170/2010-4, p. 109-110.

    Aimée Brown Price, Pierre Puvis de Chavannes. I. The Artist and his Art, II. A Catalogue Raisonné of the Painted Work, New Haven et Londres : Yale University Press, 2010, 260 et 485 p. in 4°, très nombreuses ill. noir et coul.

    Ces deux imposants volumes sont l’aboutissement d’une carrière entièrement consacrée à l’artiste dont l’auteur eut la révélation en regardant, dans sa jeunesse, une méchante reproduction du Pauvre pêcheur et dont l’œuvre fit l’objet de sa thèse soutenue en 1972. Le catalogue était attendu depuis plus de vingt ans, mais on sait quelle patience exige une telle entreprise. Dans l’introduction du premier volume, Aimée Brown Price juge nécessaire de rappeler l’utilité des catalogues ainsi que des monographies face au mépris dont les couvre une certaine histoire universitaire de l’art. Qu’elle se rassure : bien que work in progress comme tout catalogue raisonné, le sien restera encore longtemps fondamental quand les ouvrages auxquels certains universitaires doivent aujourd’hui une éphémère célébrité seront tombés dans un juste oubli.

    Le premier volume comprend une monographie richement illustrée suivie en annexe de documents notariaux (dont l’inventaire après décès), une longue bibliographie précédée de la liste des sources (archives publiques et privées) et un index. La présentation en serait irréprochable si l’on ne constatait pas un nombre important de coquilles ou de lapsus : Augone pour Ausone (p. 90), Lavigne pour Lavagne (p. 197, n. 56), Lemeire pour Lameire (p. 201, n. 180), « Le thème de la décoration [ !] de Saint-Jean Baptiste » (p. 230). Élie Delaunay aurait été (p. 92) l’auteur d’une peinture murale au Panthéon en … 1869 ! À cela s’ajoutent des oublis dans l’index (pour Falguière, il manque la note 12, p. 176). D’un éditeur comme les presses de l’Université de Yale, on attendrait un peu plus de soin dans la relecture du manuscrit.

    La bibliographie est conçue, selon le regrettable usage actuel, par ordre alphabétique d’auteurs, ce qui permet de mentionner les ouvrages en abrégé dans les notes (et oblige ainsi le lecteur à un perpétuel va-et-vient), mais ne facilite pas les recherches complémentaires. L’auteur néglige un certain nombre de publications récentes, soit qu’elle les indique dans sa bibliographie sans les avoir utilisées dans son étude ou qu’elle les ignore purement et simplement : ainsi ne trouve-t-on ni le catalogue de l’exposition Le temps de la peinture. Lyon 1800-1914 (Lyon, 2007), ni celui de l’exposition Puvis de Chavannes au Musée des beaux-arts de Lyon (ibid., 1998). Ces lacunes laissent la fâcheuse impression que l’auteur, devant l’ampleur de la tâche, a fini par renoncer à tenir à jour sa documentation.

    La monographie est conçue selon un plan chronologique par décennies : « The 50s », « The 60s », …. Outre son arbitraire, ce découpage conduit à des répétitions et surtout à la fragmentation de certaines questions, comme l’esthétique murale de Puvis ou la réception de ses oeuvres, qu’il eût mieux valu traiter dans la durée, ne serait-ce que pour faire apparaître plus clairement les évolutions.

    L’auteur (et c’est sans doute le principal mérite de ce premier volume) se fonde largement sur la correspondance du peintre, dont seule une petite partie fut publiée dans les années qui suivirent sa mort. Aussi doit-on regretter qu’une édition critique de toutes les lettres conservées, la plupart en des mains privées, n’ait pas encore été entreprise, regret d’autant plus fort que les passages inédits qu’Aimée Brown Price reproduit dans les notes (ils sont traduits en anglais dans le cours du texte) sont émaillés de fautes de lecture dont certaines sautent aux yeux : « rétorqués » pour « retoqués » (p. 198, n. 95), « gradin » pour « gredin » (p. 204, n. 14), « les parisiennes sont fermées partout » pour « les persiennes… » (p. 214, n. 356), etc…, mais dont d’autres peuvent dénaturer le sens du texte à l’insu du lecteur.

    La connaissance que l’auteur a de cette correspondance lui permet d’apporter des éléments nouveaux sur des points particuliers tels que la commande, refusée par le peintre, pour la Bourse de Bordeaux (p. 90-91), mais aussi et surtout sur son existence et sa personnalité. Ainsi son idylle avec Berthe Morisot occupe-t-elle de nombreuses pages, ce qui peut sembler excessif au lecteur jusqu’à cette lettre dans laquelle Puvis évoque son « fantôme en peignoir blanc », ce qui appellerait quelques précisions (p. 197, n. 75). Certaines lettres dans lesquelles il s’exprime sur la situation politique ou sur l’état de l’art sont d’une violence qui jure avec l’image qu’on se fait d’ordinaire du personnage. Ses rapports avec l’Académie des Beaux-Arts furent plus complexes et moins conflictuels qu’on a l’habitude de le dire (bien que l’auteur affirme (p.102), sans indiquer de source, que des notables de l’Institut auraient essayé d’empêcher l’achat par l’État du Pauvre pêcheur) : en réalité, Puvis aurait nourri l’ambition d’y entrer, mais il explique dans une lettre à Falguière qu’il fut empêché de poser sa candidature en raison de la dispersion de ses œuvres qui empêchait de prendre une vue exacte de sa carrière (p. 176, n. 12). Aimée Brown Price omet cependant de rappeler que Puvis figura plusieurs fois sur la liste des artistes élus par les membres de l’Académie des Beaux-Arts parmi lesquels étaient tirés au sort les jurés adjoints du prix de Rome, ce qui constituait en fait une incitation à se porter candidat.

    Cette omission est symptomatique d’une ignorance des institutions difficilement compréhensible chez la spécialiste d’un peintre comme Puvis. Qu’elle date (p. 130) la Triennale de 1885 n’est peut-être qu’un lapsus, mais on lit un peu plus haut que l’Académie nationale des Artistes français projetée par Chennevières aurait été « a progressive rival of the Académie des Beaux-Arts » et qu’elle fut créée en 1875. Parmi bien d’autres erreurs, on est surpris de lire (p. 99) que Jules Ferry était « Directeur des Beaux-Arts et Instruction Publique » et (p. 108) que Chennevières était encore directeur des Beaux-Arts en 1889 : Castagnary aurait-il apprécié cette confusion ?

    Parmi les problèmes iconographiques et stylistiques posés par les œuvres, l’auteur souligne avec justesse l’opposition, autour de 1880, entre les thèmes traités dans les grands décors et ceux qui dominent dans les tableaux – la solitude, la mélancolie – dans lesquels elle voit le reflet d’une grave crise intérieure. Elle traite longuement de l’esthétique murale et des valeurs décoratives, fondement de l’art de Puvis. Son parallèle entre ses compositions murales et l’architecture de Labrouste (p. 108) peut par contre laisser dubitatif. Quant au long développement qu’elle consacre au classicisme (p. 38 sqq.), il n’est pas certain qu’il éclaire bien celui de Puvis dans la mesure où s’y mêlent les humanités sur lesquelles se fondait l’éducation scolaire, l’impassibilité de la statuaire antique selon Winckelmann et la poésie de Leconte de Lisle, l’art pour l’art et la peinture néo-grecque, les Églogues de Virgile et le trait de redessiné de Couture, …. Le catalogue des peintures qui occupe le second volume constitue évidemment l’apport essentiel de l’ouvrage, à la fois par la masse d’informations contenue dans les notices et par les œuvres restées inédites ou inconnues – auxquelles il faut ajouter celles qui ne sont plus connues que par une ancienne photographie. La plupart d’entre elles sont relativement mineures : portraits de jeunesse, petits paysages, esquisses de grandes compositions ; mais elles enrichissent et nuancent considérablement notre connaissance de l’art de Puvis, surtout à ses débuts. À cela s’ajoutent les très nombreuses reproductions de dessins de sa main ainsi que d’œuvres contemporaines ou anciennes qui permettent de mieux comprendre son travail, même si la pertinence de quelques comparaisons reste problématique.

    Le catalogue s’achève par les listes d’œuvres détruites et d’œuvres dont la trace est perdue, puis par les œuvres douteuses (« Paintings for further study », FS 1-17), et les nombreuses attributions erronées, copies et pastiches (A 1-177). Malgré une origine prestigieuse, la Femme nue cataloguée comme authentique (n° 159) aurait plutôt sa place en FS, sinon en A ; inversement, la Scène orientale et la Bacchanale n° FS 2 et FS 1, exposées à Lyon en 2007 (n° 210 et 211) semblent bien de la main de l’artiste. Rappelons que la Scène mythologique (A 77) passée en vente chez Sotheby en 1967, est en fait une œuvre du peintre Paul Milliet, un élève de Gleyre plus connu, du moins des historiens de l’art antique, par le recueil qui porte son nom.

    Pierre Vaisse